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La vision du FMI sur la situation économique de la Turquie

 

Le dernier rapport au titre de l’article IV publié par le FMI le 21 novembre 2019 dresse un bilan mitigé de la situation économique actuelle du pays et des perspectives de court et moyen terme. Malgré un retour de la croissance après deux trimestres de contraction du PIB en fin d’année 2018, ainsi qu’une stabilisation du compte courant et du cours de la livre turque, la Turquie demeure vulnérable aux chocs exogènes, tandis que les fondamentaux de l’économie turque apparaissent plus fragiles qu’ils ne l’étaient avant le début de la crise des changes à l’été 2018 et de la récession qui l’a suivie.

 

Reprise modérée de la croissance économique dans un contexte de vulnérabilités accrues

 

Le FMI constate d’abord un retour de la croissance après deux trimestres de contraction du PIB à la fin de l’année 2018 : après une croissance de 1,7% au premier trimestre, les deuxième et troisième trimestres ont enregistré une progression respective de 1% et de 0,4% du PIB (données révisées publiées par Turkstat). Cette embellie devrait se poursuivre : la croissance du PIB devrait atteindre environ 0,25% pour l’ensemble de l’année 2019 - un scenario nettement plus optimiste que celui avancé lors de l’exercice de prévision publié au mois d’avril dernier- et environ 3% en 2020, soit un rythme de croissance annuel moyen nettement plus faible que celui enregistré durant la dernière décennie (5,5%). Le retour de la croissance tient notamment aux politiques de relance budgétaire (hausse des dépenses publiques et diminution de la pression fiscale indirecte) mises en œuvre par le gouvernement dès l’automne 2018, ainsi qu’à l’expansion rapide du portefeuille de crédit des banques publiques – en particulier des prêts à la consommation- et à la politique monétaire expansionniste mise en œuvre par la Banque centrale à partir du mois de juillet 2019 (réduction de 1000 pdb du principal taux directeur).

 

Par ailleurs, les services du FMI notent que la dérive des prix a nettement ralenti depuis le début de l’année, passant de plus de 25% en octobre 2018 à moins de 9% un an plus tard. L’inflation devrait atteindre 15,7% en 2019 et 12,6% en 2020. Enfin, avec le redressement des comptes courants – lesquels devraient afficher un léger déficit en 2019, alors que ce dernier représentait 3,5% du PIB en 2018- et l’apaisement des tensions sur les marchés de change, la monnaie locale s’est stabilisée.

 

Cela étant, l’économie turque doit faire face à de nombreuses fragilités. D’abord, parce que, même si elles ont augmenté depuis leur étiage atteint à la fin du premier trimestre 2019, le niveau des réserves de change demeure faible. Ensuite, parce que sous l’effet d’une politique budgétaire accommodante, le déficit budgétaire s’est creusé, contraignant l’Etat à emprunter en devises afin de limiter le coût du service de sa dette. Enfin, parce que la situation financière des entreprises et des institutions de crédit s’est détériorée. Les services du FMI notent à cet égard que le taux de créances douteuses affiché par les banques (5,5%) ne reflète que partiellement la dégradation de la qualité du portefeuille de crédits des banques. Par ailleurs, contrairement aux banques privées, lesquelles ont réduit leur portefeuille de prêts, les banques publiques ont accéléré la distribution des crédits, notamment des prêts à la consommation, assortis de conditions financières jugées hors marché, grâce au recours à des sources de financement en devises et à très court terme, ce qui fragilise leur bilan.

 

La dette externe demeure une des principales vulnérabilités de la Turquie. Les entreprises, les banques publiques et l’Etat ont accru leur endettement en devises assorti de maturité plus faible et d’un coût plus élevé, reflétant ainsi la défiance des investisseurs.

 

In fine, malgré le calme apparent, les perspectives d’accélération de la croissance s’amenuisent. En l’absence de réformes structurelles, la croissance annuelle du PIB sur le moyen terme devrait être plus faible que celle enregistrée en moyenne durant la dernière décennie et plus volatile en raison de ces fragilités. Dans ce contexte, la Turquie reste exposée à des risques tant internes qu’externes. S’ils se matérialisaient, ils pourraient avoir un impact négatif sur les pays dont la Turquie représente un débouché commercial important (Géorgie, Azerbaïdjan) ou sur les pays exposés significativement à la Turquie via les financements bancaire, les investissements de portefeuille ou les investissements directs (Malte, Luxembourg, Azerbaïdjan par exemple).

 

Mesures recommandées

 

Les services du FMI estiment que les mesures de court terme mises en œuvre par le gouvernement pour stimuler la croissance ne sont pas soutenables. Il convient dès lors de mettre en œuvre des réformes afin d’assurer une croissance de l’activité plus forte et plus robuste sur le moyen terme :

  • Restaurer la crédibilité de la politique monétaire doit être une priorité afin de renforcer la valeur de la monnaie locale, ralentir l’inflation et diminuer les taux d’intérêt durablement, accroître les réserves de change et réduire la dollarisation des dépôts. La politique monétaire menée par l’Institut d’émission est considérée comme exagérément accommodante et peu lisible.
  • Longtemps un des points forts de la Turquie, les comptes publics se sont détériorés significativement en 2019 sous l’effet d’une politique budgétaire expansionniste menée depuis le début de l’année et malgré les transferts de la Banque centrale au budget de l’Etat (équivalent à 1,5% du PIB). Sur le moyen terme, le gouvernement doit mettre en œuvre des mesures afin de renforcer la gouvernance dans le domaine fiscal (amélioration de l’information sur l’exposition des entités quasi publiques, surveillance des PPP, etc.) tout en accroissant ses marges de manœuvre budgétaire afin de stabiliser sa dette publique en diminuant les dépenses (via l’élimination de l’indexation des salaires sur l’inflation par exemple) et accroissant les recettes (en élargissant l’assiette des produits et services assujettis à la TVA notamment).
  • Un audit indépendant de la qualité des actifs est également indispensable afin d’évaluer la qualité des portefeuilles de crédits des banques tandis qu’un renforcement de la régulation, du cadre de résolution (procédure du konkordato notamment) et de la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux s’avèrent nécessaire.
  • Enfin, des réformes structurelles (simplification et amélioration de l’environnement des affaires, accroissement de la flexibilité du marché du travail, renforcement de la formation et de l’expertise des ressources humaines) et une réforme de la gouvernance (simplification des procédures administratives par exemple) sont indispensables afin d’accroître la productivité, renforcer la croissance et améliorer la capacité de résistance de l’économie aux chocs tant internes qu’exogènes.

 

Source : DG Trésor – Service Economique de l’Ambassade de France – 01/2020

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